Contexte historique
Pour une partie des documents du fonds (1 Num 172/1-353), le contexte se situe dans la période suivant le Traité de Francfort de 1871. À cette époque, l’Alsace-Moselle est annexée par l’Empire allemand et la chaîne des Vosges fait alors office de frontière. L’administration allemande s’empresse de tracer cette nouvelle frontière sur les cartes d’état major et de la matérialiser sur le terrain à l’aide de bornes taillées dans du grès, avec les lettres D (pour Deutschland) et F (pour France) gravées sur les faces.
La défaite de 1870 a des conséquences sur l'organisation de l’armée française, puisqu'elle va amener sa réforme. En 1872, la loi pose le principe d'un service militaire universel : chaque citoyen doit un service militaire de vingt ans qui se décomposent en cinq ans dans l'armée active, quatre ans dans la réserve, puis cinq dans la territoriale, et enfin six ans dans la réserve territoriale. L’appel par tirage au sort est conservé : les bons numéros effectuent un an de service, les mauvais numéros en accomplissent cinq. Mais les exceptions sont relativement nombreuses, comme celles pour les enseignants et religieux. Ensuite, en 1889, la loi apporte plus d'égalité en réduisant la durée du service actif à trois ans (pour les mauvais numéros) et s'efforce à limiter les cas de dispense. Enfin en 1905, la loi établit un service militaire véritablement universel et égalitaire pour tous, en mettant fin au tirage au sort ainsi qu'à toutes les dispenses et exceptions précédentes. Elle réduit aussi la durée du service actif à deux ans – celle-ci sera rétablie à trois ans en 1913.
Quant à la conscription dans la Deutsches Heer – nom officiel de l'armée de terre dans l'Empire allemand de 1871 jusqu'en 1919 – les obligations militaires touchent tous les hommes valides âgés de 17 à 45 ans. Le service militaire allemand se compose de quatre temps : chaque conscrit fait son entrée dans le service actif (Aktiv) à l’âge de 20 ans – sans exemption ni remplacement – pour deux ans dans les troupes à pied, pour trois ans dans les troupes montées (cavalerie et artillerie à cheval). Une fois le service accompli, il fait partie de la réserve militaire (Reserve) jusqu’à l’âge de 27 ans, avec l'obligation de participer à des exercices. Il entre ensuite dans la Landwehr (similaire à la territoriale française) jusqu’à ses 38 ans. Et enfin il est versé dans la Landsturm (semblable à la réserve territoriale française) pour finir à 45 ans.
Par ailleurs, on peut noter qu’en 1914 l'armée française comprend vingt corps d'armée métropolitaine, un colonial et un algérien, composés de quarante-six divisions. L’armée allemande est, quant à elle, composée de cinquante et un corps d'armées et quarante-huit divisions.
Pour la dernière partie du fonds (1 Num 172/354-445), le contexte semble être le début de la Première Guerre mondiale, en particulier l’année 1915.
Dès le déclenchement du conflit, les Vosges sont le théâtre des premières reconquêtes sur le territoire alsacien, avec des offensives visant à prendre des sommets afin de contrôler les vallées. On peut citer les affrontements de l’Hartmannswillerkopf, de Metzeral, du Reichackerkopf, de La Fontenelle ou du Linge – hauts lieux des combats dans les Vosges. Les opérations se succèdent jusqu’en janvier 1916. À partir de cette année, le secteur des Vosges reste relativement calme jusqu’à la fin de la guerre.
Lors des batailles des Vosges, de nombreux soldats allemands sont capturés. Pour rejoindre leurs camps, les convois traversent différents villages et villes vosgiennes. Par exemple, les 880 prisonniers de l'offensive de la Fontenelle ont défilé à Saint-Dié-des-Vosges, Bruyères, Épinal. À noter qu’à partir de 1915, Remiremont – devenu quartier général de l'armée des Vosges – est un centre d'hébergement et de triage des prisonniers de guerre. Les prisonniers allemands sont généralement utilisés comme main-d’œuvre agricole ou industrielle (cette utilisation est autorisée par la convention de La Haye de 1907), notamment pour pallier l’absence des hommes mobilisés.
Les cartes postales représentant les prisonniers sont un véritable outil de propagande pour montrer que le pays est victorieux. Les Allemands agissaient de façon similaire.
Classement et intérêt du fonds
Le fonds est composé principalement des cartes postales qui sont des clichés imprimés sur un papier cartonné. L’image du recto est généralement accompagnée d’une légende. Le verso est séparé en deux fenêtres (une pour le texte de correspondance et l’autre pour l’adresse). Jusque dans les années 1930, le principal mode d’impression des cartes postales est la phototypie.
Quelques cartes-photos se trouvent également dans le fonds. Il s’agit de photographies (issues de procédés variés) tirées sur un socle cartonné de carte postale. Généralement elles font l’objet de tirages en peu d’exemplaires et sont diffusées dans un cercle restreint (famille, amis).
Ces documents sont à la fois un outil d'information et de propagande.
Le plan de classement adopté pour ce fonds compte trois parties thématiques.
Les deux premières se composent de cartes postales représentant des soldats en uniforme – d'une part français (dans la première partie) et d'autre part allemands (dans la deuxième partie) – au début du XXe siècle. Elles présentent ainsi une vision de la vie militaire avant la Première Guerre mondiale et peuvent intéresser l’uniformologie.
La troisième et dernière partie regroupe des cartes postales et cartes-photos largement consacrées aux prisonniers de guerre allemands de la Première Guerre mondiale dans les Vosges.
La grande majorité des cartes postales des deux premières parties sont l’œuvre de Georges Schmitt (1867-1937) – plus connu sous le sigle « G. Sch., Sch. ». Après des débuts en tant que coiffeur-barbier à Schirmeck, il comprend vite la potentialité de la carte postale. D’abord, il vend les premières cartes postales (éditées en Allemagne) représentant la vallée de la Bruche. Il décide ensuite d’en produire lui aussi. Il se lance dans l’aventure en 1896, et avec l’aide de son frère Charles (1883-1965), il se veut « le spécialiste de la couleur et le plus grand éditeur de cartes postales d’Alsace-Lorraine ». Son sujet de prédilection est la frontière. Parfois, il triche un peu par des photomontages en faisant, par exemple, coexister pacifiquement des soldats des deux armées en manœuvres .
Les cartes postales de la troisième partie sont l’œuvre de différents éditeurs et photographes vosgiens, exerçant entre les années 1900 et 1930, tels que Paul Testart et A. Boutellier d’Épinal, L. Ferry de Bruyères, C. Cuny et Georges-Adolphe Weick de Saint-Dié, Léon Didier de Xertigny.